Récit de Mme Bernadette Tixier
:
Le 29 août 1944 au matin, nous savions par la «T.S.F.
» que les troupes de la libération approchaient. Chacun se
demandait comment cela allait se passer, car à Chigny
des Allemands logeaient à l'école et aux alentours. Il y
avait des munitions d'entreposées dans l'école des garçons.
Le repas du midi fut vite expédié, car
on entendait le roulement des convois qui passaient sur la route Epernay
- Reims. La fébrilité des Allemands à embarquer
leurs affaires ne laissait plus de doute, c'était la retraite.
Vers 14 heures environ, nous étions descendus
dans les caves désignées les meilleures en cas de bataille.
Nous devions aller chez Monsieur Jean Coquet, un trou
avait été fait pour correspondre avec la cave de Monsieur
René Tixier. En cas d'obstruction d'une entrée,
nous pouvions passer dans l'autre cave.
Nous avons entendu le coup de canon du char américain
vers le monument aux morts, car des soldats allemands se sauvaient par
ce chemin et ils avaient essayé de tirer avec leurs fusils. Malheureusement
un habitant de Chigny, Monsieur André Gougelet,
qui se rendait à son jardin, a voulu risquer un œil, et un
éclat l'a blessé aux genoux.
Pendant ce temps, d'autres soldats allemands essayaient
de s'enfuir en passant par les jardins pour se regrouper dans les bois!
Peut-être?
Monsieur
Tixier, son fils et une autre personne ont réussi
à faire un prisonnier, c'était un infirmier, mais il avait
sur lui une grenade et un couteau de combat. Quelques-uns uns ont été
blessés dans le parc de Madame Gadiot, mais ils
ont été arrêtés par des personnes de Chigny.
Un deuxiéme coup de canon a démoli la cheminée
de la maison de l'instituteur, une voiture a brûlé sur la
place, les Allemands n'ayant pas eu le temps de partir. La poche de cette
petite résistance étant réduite, les chars arrivant
de Rilly prirent à travers les vignes à
hauteur de la maison de Monsieur Michel Rebeyrolle en
droite ligne vers les Crotelets, les Noues, sortie vers
Noyers l'herbier? Les Américains n'ont abîmé
qu'un seul tracé de largeur d'un char.
Pendant ce temps là, le gros des convois continuait
vers Reims.
Le
soir, les Américains envoyèrent des camions, tout le pays
venait les acclamer sur la place. Les soldats nous lançaient du
chocolat, du chewing-gum, et des cigarettes (Camel, Craven ou autres).
Pour beaucoup, ce fût la première cigarette d'essai !
Une crainte restait cependant, des rumeurs couraient. Et si les Allemands
s'étaient regroupés dans les bois au-dessus et venaient
prendre à revers le village! Heureusement, il n'en fut rien, mais
des hommes du village avaient été placés à
plusieurs endroits pour avertir.
Les
gens s'étaient précipités dans les écoles
où avaient été abandonnées des munitions dans
l'école des garçons (grenades, bâtons de dynamite,
etc...)
Dans l'école des filles, il y avait des services
de table, à café, des tissus, choses provenant sûrement
de rapines dans d'autres pays et que dans l'affolement de la retraite,
ils n'ont pas pu emporter. Les gens ayant manqué de tout, se précipitaient
et s'arrachaient les affaires les uns aux autres. Ce n'est pas mon meilleur
souvenir, ainsi que celui d'avoir vu couper les cheveux à quelques
personnes ayant sympathisé avec les Allemands.
Enfin, les guerres n'amènent pas beaucoup de bons
sentiments. Ceux qui avaient œuvrés pour la libération
restant souvent discrètement dans l'ombre.
PETITES ANECDOTES :
Je
me souviens d'avoir fumé ma première cigarette le lendemain
(cigarettes qui venaient des américains).
On avait du tissu avec des tickets. Tout le monde avait le même
genre de tissu pour les blouses. Une fois lavées, les blouses n'ont
pas pu être remises. C'était de la fibranne.
Madame Marie-Louise Coquet se souvient avoir passé
son temps dans la cave, elle n'est même pas sortie pour voir les
Américains.
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Récit de M. Joseph Ségovia
:
Le village était sous
l'occupation allemande. Je me souviens deux jours avant que les Américains
arrivent à Chigny, on dormait sur le foin dans
la cave, car on entendait au loin le canon. Puis au matin du 29 août,
quelques Allemands commençaient à quitter le village et
toujours au matin, ils tuèrent deux cochons qu'ils durent abandonner
sur place (les personnes de Chigny se servirent, un jambon, etc...)
L'après-midi
les Américains firent leur entrée dans le village, ils venaient
de Rilly, ils tirèrent deux coups de canon: un
sur la cheminée de l'école, le deuxième sur le monument
aux morts. C'est là que Monsieur André Gougelet
reçut un éclat d'obus à la cuisse (il se
rendait à son jardin malgré l'interdiction).
Ensuite, les Allemands qui étaient dans le parc
à Madame Gadiot se sont rendus en levant les mains
en l'air, ils étaient alignés devant la maison de Jean Rafflin.
Puis je suis allé faire un tour sur la place Pommery,
une voiture brûlait ainsi qu'une moto abandonnée et un camion
allemand.
Vers 17 heures, les chars américains faisaient
leur entrée dans le village. Tous les habitants étaient
contents et souriaient.
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