Le Dimanche 1l Mars 1945 a été jouée une pièce de théâtre « Au-delà des barbelés » au profit des prisonniers de guerre, des déportés et des jeunes mobilisés.

En voici la distribution :

François Ducommun
Rosine Ducommun
Jeanne Ducommun
Max Ducommun
Jacques Rousseau
Le parisien Popaul
Marius
Mohamed
Le curé Amable
Le ch'timi Désiré
L'auvergnat Antoine
Le facteur

Pierre Leroux
sa femme : Nicole Chauvet
leur fille : Huguette Baé
leur fils : Serge Carvalho
Gil Roupsy
Jean Coquet
Serge Dumont
Michel Noël
Daniel Leroux
Charles Delpierre
Henri Gournay
Raymond Merlette

Voici le décor pour l'acte 1 « Au stalag:» :

Barbelés symboliques en avant du rideau. Ecriteau en gothique: Stammlager X
Au camp de Gleisendorf, en hiver. En premier plan, table de caserne, flanquée de bancs rustiques, portant les reliefs du casse-croûte de la veille : réchauds, gamelles, quarts, lampe à margarine de fortune.
A terre, des boîtes à conserves ouvertes, un vieux balai de brindilles, des mégots. Poêle rougeoyant dans un coin : auprès, une caisse retournée servira de siège. Cantines en évidence avec inscriptions de camp.
Au fond, alignement de cageots (lits superposés des stalags séparés par un passage) qui se prolongent de chaque côté dans les coulisses. Aux montants des cageots et un peu partout, des musettes, des effets militaires: godillots, calots, bidons. Photos, images de nu genre «Vie Parisienne ».
Les cageots sont occupés, notamment par Ducornmun, par Mohamed en chéchia rouge, et par Rousseau en pantalon kaki et calot.
C'est le petit jour - Clair-obscur au début de l'acte. La lumière vient peu à peu. Ronflements sonores au lever de rideau. Mohamed, éveillé, la joue sur la main et la tête calée au montant de son cageot, rêve en psalmodiant une complainte arabe qu'une raïta soutient par instants.
Tandis que se lève le rideau, un disque achève, dans la coulisse un air mélancolique.
Début de la première scène: voix de coulisse : le curé Amable
Notre père... qui êtes aux cieux (marmonnant): mneu... mneu... mneu... soit sanctifié... mneu... mneu... mneu... Donnez-nous notre pain quotidien... Ainsi soit-il.
(Il entre en scène en prononçant nettement « Notre Pain quotidien », sort son bréviaire et s'installe pour lire sur la caisse retournée devant le petit poêle).

Décor pour l'acte II « au-delà des barbelés » :
Chez l'ingénieur Ducommun. Intérieur petit bourgeois de province. Dans la salle à manger-bureau. Il est douze heures. Sur la cheminée, deux grandes photos encadrées. Soleil par la fenêtre: c'est le printemps. La radio est branchée.
Début de la première scene : Rosine - Jeanne
RADIO-PARIS - ..". Nous vous donnerons à l'heure habituelle l'éditorial de Philippe Henriot. Veuillez écouter en attendant quelques airs familiers aux troupes d'occupation.
Halli.Hallo...Lala!
Halli Hallo... Lala
Hatlli ! Hallo ! Lala ! "
Décor pour l'acte III « La réadaptation » :
Même décor qu'au second acte. En plus, un fauteuil. La table centrale est déplacée vers l'avant de la scène et transformée en bureau pour les enfants. D'un côté les livres d'étude et cahiers de Max; de l'autre la boîte de couture de Rosine et le petit secrétaire de Jeanne : boîte à correspondance, stylo, etc...
Début de la première scène: Ducommun, Rosine, Jeanne, Max
Ducommun (très élégant malgré ses vêtements d'avant-guerre un peu démodés)
"
Je suis peut-être un peu démodé, pas très zazou, comme dirait Max, mais j'ai au moins un avantage: je suis vêtu de solide et chaussé de cuir "
Voici la dernière scène. les mêmes plus Chachignot :
Max, sérieux comme un pape, fait des devoirs, front tendu.
Jeanne écrit à son fiancé Rousseau. Elle prend la photo du jeune prisonnier, la contemple, insoucieuse du silence qui s 'est fait autour d'elle, et continue sa lettre.
Max : "…..Cosinus (A + B) = cosinus A, cosinus B, moins... Non! plus... Si ! moins sinus A, sinus B..."
Jeanne (à mi-voix) - " Mon petit Jacques, mon cher fiancé... "
Ducommun (l'air détaché) " Ne trouves-tu pas Rosine, que le temps fuit avec une rapidité déconcertante ? "
Rosine : " Hélas! mon ami, tu oublies à ton tour qu'il passe bien lentement pour tant d'autres. "
Ducommun " C'est pourtant vrai. Oh! je ne l'oublie pas... du moins, pas encore tout à fait. Mais le bonheur endort et c'est un signe terrible que j'aie déjà pu oublier... un peu. Que sera- ce demain ? "
Dans le fond de la scène surgit, symbolisant le pardon, un fantassin libéré. Le brave Antoine. Antoine (le doigt sur les lèvres, à Max qui l'aperçoit) - " Ch... chut ! "
Max : (à sa sœur) " Ch... chut ! "
Ducommun (qui a poursuivi sans rien voir ni entendre) - Pardonnez-moi, vous tous mes amis qui êtes restés là-bas. Moi aussi, je suis devenu un civil. AU DELA DES BARBELES! Pardonnez-moi, voyez-vous, comme j'avais tout pardonné d'avance, et comme vous aurez sans doute à être pardonnés vous-mêmes, plus tard...
(Regardant tour à tour ses enfants et sa femme, sans voir Antoine Chachignot)
"
Bien sûr, les absents ont souvent tort, mais le grand coupable, c'est le Temps. Le Temps-Destin. Le Temps-Malheur qui coule à peine, mortellement lent parce qu'il nous fait souffrir... "
(souriant à Rosine) : " Et puis vient l'autre, le Temps-Résurrection, couronnement de tous les espoirs. Celui-ci passe peut-être un peu vite - un peu trop vite, même... il nous fait sans doute aussi un peu égoïstes, mais il faut lui pardonner (apercevant enfin Antoine et l'étreignant...) comme mon brave Chachignot, j'en suis sûr, a dû le faire pour sa femme. (Chachignot de sa manche, essuie un pleur)... Le Temps, quand il veut, et lorsqu'on l'aide, arrange si bien les choses. "

Je remercie M. et Mme Carvalho pour m'avoir prêté le texte de cette pièce.

Mme Christine Lepitre