Monseigneur, Mesdames, Messieurs, Monsieur le Président de la Confrérie,

Et vous tous les habitants de Chigny.

A tous, du fond du cœur, un grand merci pour ce diplôme que je voudrais partager avec les membres du conseil, le secrétariat de mairie, mais aussi avec mon épouse car cette responsabilité ne peut se gérer qu'en couple. J'aimerais que ceux qui ont participé à ce service puissent venir signer ce diplôme pour y manifester leur présence et leur travail. C'est un diplôme qui vous revient de droit, car je ne suis pas seul, même si parfois c'est vrai.

Je dois vous lire une lettre reçue un de ces derniers jours ainsi libellée.

Monsieur le Maire, auriez-vous la bonté de lire cette lettre aux viticulteurs de Chigny les Roses le jour de la Saint Vincent. Ce serait pour moi une très grande joie.

C'est daté du 1er janvier 2000

Cher viticulteur,

Je ne suis qu'une très vieille dame, Oh ! bien vieille, et qui désirait depuis 2000 ans te parler, mais voilà, la pudeur, la crainte du ridicule, sont des freins puissants. Or, sentir que pour la 2000ième fois, la Saint Vincent pourrait se passer sans moi me rendait trop triste.

Il est vrai que depuis des siècles nous nous rencontrons tous les jours, que tu t'occupes de moi en toutes saisons et bien souvent sans m'écouter, sans me parler, comme si je n'existais pas et pourtant …

Des efforts, j'en fais tout le temps, mais on dirait que tu ne les vois pas.

L'hiver, je me pare de jolies couleurs brunes et violettes qui vont bien avec mes rides de vieille dame.

Comme, je suis heureuse quand tu viens me coiffer, couper mes mèches, et me remettre en beauté pour accueillir le premier soleil.

Au printemps, c'est la joie, mes bouclettes commencent à se faire voir et les fils qui m'accompagnent me disent le monde, alors que toi, tu ne le fais pas. Ils sont ma radio.

En été, ne le vois-tu pas, je suis parée comme une déesse et je chantonne doucement au petit vent qui court, je me pare pour toi de jolies boucles d'oreilles toutes nouvelles. Je mets des fleurs à mon chapeau.

L'automne est la saison de mon éclat, je séduis tout le monde, mes parures de bijoux ont leur plein éclat, j'éclate, merveilleuse dans la plénitude de ma santé, et les forets se couvrent de dorures pour m'accompagner car je suis la reine.

Puis quand revient le froid avec la neige, je suis encore avec toi, chez toi, dans ta cheminée pour te chauffer et te dire que tout le long de l'année je me consume pour toi.

Tous les jours, bien que vieille, j'ai vingt ans et si parfois tu me remplace par une sœur ou une cousine je ne suis pas jalouse car nous sommes toutes du même sang.

Mais toi, tu passes en donnant l'impression que je n'existe pas, que tu ne penses à moi que pour mes fruits et, angoissé, je me pose des questions :

Me vois t-il ?

M'écoutes t-il ?

M'entends t-il ?

Tu sais, je suis timide et pourtant c'est si merveilleux lorsque tu rajustes ma tenue, que tu retailles mes robes, que tu admires mes boucles d'oreilles, noires, mauves et vertes et je me laisse faire, heureuse comme une grand-mère que je suis, mais t'en rends-tu compte ?

Doucement depuis 2000 ans je t'ai élevé.

Maintenant tu vis bien, tu aimes la joie, le travail, l'ordre et aussi la fête et ce jour en témoigne.

Et bien justement, en la fête de Saint Vincent, ( que lui entre parenthèses, tu n'oublies pas ) quand tu lèveras ton verre de champagne avec tous tes invités et tes amis, penses bien que j'aimerais y avoir aussi une toute petite place, que tu réalises que si avec ton travail et ta délicatesse tu obtiens du bon vin, c'est aussi parce que je t'ai tout donné de moi-même.

Mais bref, excuse-moi de mendier cette petite attention comme le ferait une vieille maîtresse un peu délaissée. Car tu vois, ma grande joie reste quand même ton profit parce que, par là, je peux me donner pour toi, et c 'est ma vie.

En contre partie une petite pensée, un petit mot, un sourire, cela penseras-tu à me le donner ? . J'en rêves

Oui, je suis vivante et ta visite de tous les jours est mon bonheur car sans moi que serais-tu ? . Alors, une petite pensée pour moi ? .

Ta vieille vigne qui t'aime